Archives pour la catégorie Micro nouvelle

Histoire Ecourtée 19: (Le gardien)

Il ne l’avait encore jamais rencontré, mais on lui avait déjà dit bien du mal sur son nouveau patron. Soi disant, une sorte d’illuminé, vivant presque à l’année dans son bureau, sans jamais sortir de l’entreprise. Recevant très peu de monde et donnant des ordres par l’intermédiaire de sa secrétaire. Il avait été recruté par une agence, et le boulot était très bien payé, le reste, il s’en foutait. Néanmoins, et cela comportait à la fois une sorte de défi et d’angoisse mêlés, il ne savait absolument pas en quoi consistait le taff.

On lui avait présenté la chose comme une glorieuse libération et une vivifiante expérience de la vie. L’annonce précisait « Une vie trépidante dans un environnement de solitude intacte et ancestrale. Salaire net important et émotions brutes mirobolantes. ». Ca ne disait évidemment rien du patron, mais sans qu’il sache pourquoi et comment ils savaient, beaucoup s’étaient rués pour lui en dépeindre le profil. Il avait reçu un billet d’avion et un trajet en bateau quelques jours après la validation de son entretien. Il pensait de plus en plus secrètement à un poste de gardien de phare.

Lorsqu’il fit sa valise il prit cette petite boussole qui trainait dans sa tente depuis des lustres. Son avion prit à peine 1h, et une fois arrivé au port on l’aida à charger ses affaires avec un certain empressement, lui et des tas d’autres personnes. Ils annonçaient une forte houle pour la nuit, et beaucoup de pluie. Quand l’embarcation quitta l’estuaire et qu’il perçut au loin une lumière qui les guidaient dans la nuit, Houssama prit une profonde inspiration et pleura. Aucune destination n’envoyait des gardiens par dizaines à un seul phare sur la côte, et encore moins sans gilet de sauvetage.

©Necromongers

(image: Jordan Singh)

Histoire Ecourtée 18: (L’homme de Gizeh)

Il saisit ses lunettes de soleil serties de diamants aux branches et les porta à son visage, encerclant ses yeux d’un voile apaisant, filtrant la lumière. Il avait beau être à l’intérieur, dans un sous-sol profond, il n’avait jamais vu ça. La colonne centrale réfléchissait une technologie inconnue pour l’époque, totalement farfelue même quand on y pensait vraiment. Le coeur de la pièce faisait exploser sa connection, et à chacun de ses pas il gagnait en réception. A ce rythme là il allait bientôt pouvoir décupler les capacités de son téléphone. L’énergie était telle que des zébrures firent éruption entre ses jambes en craquelant et sifflant dans l’air suffoquant de la pièce. Elles furent comme une caresse de fourmi, engourdissant ses membres de leurs éclairs chauds et ciselants.

Dans un fracas de roulements dissonants et de cliquetis désharmonisés, des centaines de pierres se mirent à tourner sur elles-mêmes, pour toutes arborer une face brillante. Un rayon luminescent sortit de chacune des plaques pour être aspiré jusqu’à la colonne, ce qui la fit irradier de plus belle. Au point de mire de son incandescence, l’obélisque cracha un jet de lumière vers le ciel, le sommet de la pyramide s’ouvrit.

Il regarda son téléphone, il affichait la 7G. Un sourire en coin s’afficha sur la barbe taillée au millimètre de Gims, il n’en avait jamais été sûr, mais il avait raison.

©Necromongers

L’étranger au regard de sable

La chevelure bouillonnante, le teint frais, le regard élancé, et quelques brèves de comptoir plus loin… sa vue n’était plus qu’un champ de coton imbibé de liquide. La vie s’égraine sans heurt quand l’effort n’est pas légion. Quoi de plus neuf que le repos forcé, quand on vieillit prématurément.

Pas d’amertume en ce jour, rien n’était d’une importance capitale. Les morts savaient obstinément ce que les vivants saccageaient, la puissance du lendemain sans anticipation brisait le miracle de la subordination.

On aurait pu laisser mourir du monde, ce qui restait relatif devenait une hydre. Dans ses yeux, on aurait dit du sable venu de loin. Un coton de Panurge, un imbécile au lait frais, une épopée sans limite.

Plusieurs personnes lui on dit d’arrêter, de se taire en silence, de cesser la mise à mort de l’indifférence. Mais c’était plus fort qu’au-delà de nous, d’imaginer seulement qu’une histoire puisse ne pas arriver. Alors, son sourire fut prit pour une arme dangereuse, et on commença à le montrer du doigt.

Son calme léthargique, son allure penaude, sa carrure fantomatique et ses pupilles hypnotiques suffirent à déclencher la furie des haineux. Il restait là, à ne rien faire, il était donc capable de quelque chose d’inconnu.

Ce fut un matin pluvieux, tôt, à l’heure des ballons de blanc printaniers, que le drame coula à flot.

Les journées jusque là pétries de sa présence, honorèrent son absence d’une assourdissante névrose calomnieuse. L’homme au regard de sable n’était plus là.

Une enquête fut ouverte et des témoins auditionnés.

 

Agent : Sa description ?

Témoin : Allure penaude, carrure fantomatique, cheveux bouillonnants, pupilles hypnotiques, teint frais, regard élancé…

A: Pardon ?!

T : Et bien tout ça quoi !

A : Vous appelez ça une description ? Je ne comprends rien !

T : Je ne sais pas quoi vous dire d’autre, c’est comme ça qu’il était connu.

A : Je ne peux pas marquer ça sur le rapport, on ne sait pas à quoi il ressemble.

T : Vraiment ? Vous n’avez pas d’images poétiques qui vous viennent ? Mais vous voyez les gens comment vous ?

A : Age, taille, poids, couleur des yeux, des cheveux, ce genre de truc.

T : Je ne comprends pas.

A : Vous ne comprenez pas quoi ?

T : Je ne comprends pas qu’on puisse encore en être à décrire les gens de façon identique, avec aussi peu de variantes pour pouvoir les retrouver .

A : Les retrouver ? Mais votre gars est introuvable avec des informations aussi vagues, floues et dénuées de caractéristiques précises !

T : La poésie retrouve tout le monde. La poésie ne formate personne. La poésie est une arme de précision massive.

 

Nous n’en saurons pas plus. Les éléments de l’enquête n’ont pas été dévoilés.

Ce qu’on sait en revanche, c’est que depuis son absence chacun prend le temps de se scruter avant d’entamer le dialogue. Lui qui était là auparavant pour fédérer les haines, avec son sable dans les yeux, sa condescendance passive, sa différence inconnue… ils en avaient peur, ce qui leur permettait de vivre ensemble sans craindre l’autre, puisqu’il était le démon de tout le monde.

Ils apprirent donc à se supporter en silence, comme quand on ne sait pas si cela est nécessaire d’aimer ou pas. L’amour a toujours eu bon dos pour vivre ensemble.

Depuis, le bruit des ballons de blanc qui tintent, tôt, dans la brume des esprits conspirateurs, se dégustent sans un seul regard de sable.

 

On apprit plus tard qu’un témoin avait donné une description très technique du disparu à la police, qui fut notée officiellement dans le rapport. Jamais personne ne le retrouva.

©Necromongers

21751959_1570340956338021_8885332274201995944_n

Histoire Ecourtée 17: (Le message)

Il faisait beau en ce 27 Août 2084. Le soleil n’avait pas l’air de vouloir s’essouffler. Il faisait chaud, au moins 47°C. La lumière était telle que la réverbération ankylosait les yeux. La transpiration était à son comble, toute la nature retenait sa respiration. Les herbes folles craquaient sous les chaussures, calcinées et asséchées. Les hommes et les animaux sortaient de leur tanière le soir pour trouver de maigres points d’eaux ou récolter la rosée du matin. Le changement d’heure n’avait plus aucun effet sur les humains, chacun avait prit l’habitude de vivre à nouveau au rythme du soleil.

Certains jours maussades, couverts d’une épaisse couche de nuages acryliques, empêchaient chaque être vivant de parcourir le monde. Il avait été dit, avant l’arrêt total des satellites, qu’ils pouvaient endommager les tissus cellulaires. Un grand nombre d’animaux morts avaient finalement conditionné la méfiance des autres. Ces jours-là, il n’y avait pas plus bruyant que le silence dans l’air irrespirable. Boire, trouver de l’eau était l’occupation principale.

Et puis un jour, les nuages ne revinrent plus, le soleil frappa de nouveau constamment, les satellites se remirent à émettre. Les postes de radio se mirent à cracher un message que tout le monde attendait : «ALERTE ! Ceci est une accalmie ! Ceci n’est pas un exercice ! Ne sortez qu’en cas d’extrême urgence ! La température est de 64°C, vent nul, prévision pour la nuit -26°C, le taux d’humidité sera totalement aspiré à l’aube dès 6h, bonne et heureuse chance pour ce 27 Août 2099.»

©Necromongers

18157483_10211474199398159_1150453122546220112_n

Les Zéros Zoziaux « Le Grand Vizeur »

C’est une fable à l’échelle humaine. Une de celle que l’on raconte sans estrade, au même niveau que la terre. Elle n’est pas écrite, se propage à l’ancienne, se déforme et s’améliore avec le temps, d’une bouche à l’autre. Le passé, le présent, l’avenir sont le socle de son histoire. Le Grand Vizeur sait néanmoins que tout cela va s’arrêter un jour. Parce qu’il voit au-delà des mots. Parce qu’il sent par delà le temps.

C’est une histoire qui commença il y a longtemps.

Au départ arrivèrent tout un tas de Zoziaux, d’on ne sait où, ni comment. Dans cette aube silencieuse qu’était la nature on s’entendait respirer. Leur nombre augmenta si considérablement que le murmure du silence s’en trouva époumoné. Pourquoi, tous ces Zoziaux d’on ne sait où, donnaient un rythme lancinant à la vie végétale, une note dorénavant digitale ? Que ferait-on du silence ? Pourra t-on encore respirer par les pores ? Le chapitre du calme venait t-il de s’éteindre ?

Toutes ces questions qui tintinnabulaient en grande pompe ne trouvèrent jamais de réponse suffisante. Les Zoziaux continuaient à piailler, toujours en surnombre. Un malheur n’arrivant jamais seul, étrangement, sans que l’on n’y comprenne mieux que la chute du calme, des Zumins naquirent eux aussi dans un mystère profond. Ils semblaient enchantés par le son tonitruant des Zoziaux d’avant-eux. Si bien qu’en grandissant également, ils les mirent en cage pour leur confort auditif.

Tout d’abord on ne crut pas au malheur, car la nature retrouva partiellement sa sérénité de toute seule. Mais le Zumin ne prit pas que bonne note des Zoziaux, et commença aussi à emprisonner la nature dans des pots et des carrés potagers. Sitôt dit, sitôt fait, il avait donc le silence et le bruit à sa guise, qu’il pouvait dégainer au nez du Grand Vizeur. Et c’est bien normal, car depuis l’apparition inexpliquée de plein de choses nouvelles, le Zumin ne s’ennuyait plus à chercher à comprendre. Mais, deux jouets seulement, ça commençait tout de même à le lasser. Mais comment s’amuser sans rien chercher ? Fallait-il attendre un autre événement inattendu patiemment ?

Le Zumin n’est pas patient. Même le Grand Vizeur savait ça.

Alors, une autre sorte de phénomène rare se produisit soudainement, genre sans crier gare. Enfin, ce n’est pas tout à fait ça. Le Grand Vizeur s’est dit que pour avoir la sensation d’avoir la paix, le mieux, c’était de mettre le Zifi à tout le monde.

Pour ça, il a fait tomber du néant une invention toute réglée pour la chose, une boite d’abord noire quand y’a rien, puis toute pleine de trucs quand y’a le Zinterniet.

Le Zumin, tout bonnement con qu’il est, n’a pas cherché à comprendre comment ce procédé a pu lui tomber sur le paletot. Mais pour sûr que ça l’a captivé.

Et depuis, loin des tumultes de la nature silencieuse et du vague à l’âme encagé des Zoziaux, il navigue sur des plateformes totalement avilissantes et légumoniques, les Zéros Zoziaux de le Zinterniet.

Le Grand Vizeur a enfin la paix, les Zumins font n’importe quoi, sur le seul univers qui leur ressemble, là où comprendre et chercher est un leurre tellement paisible, que chercher à comprendre deviendrait dangereux.

Morale : Pour occuper l’histoire il faut occuper ceux qui la font. Tant pis si la vérité est un mensonge, la bêtise est compatible dans toutes les sociétés.

©Necromongers

La décortiqueuse

Elle était si brève dans l’acte que peu d’hommes arrivaient au bout de leur catatonie… si rare même, qu’aucun d’eux ne pouvait la séduire sans la peur au ventre… une fille difficile, comme il en existe autant auquel le terme aille vraiment.

Mais comme communément acquis, la peur ne se dissipait qu’après seulement quelques va-et-vient… quand l’adultère lendemain était au bord de la faille temporelle, et que pantois, l’homme devait encore se finir seul, par courtoisie.

Les filles difficiles, il connaissait ça. Mais aussi pointilleuse à l’acte, aussi spongieuse à l’émotion pas très bien. Les habitudes ne périssent qu’un temps, celui nécessaire à l’éventail de leurs proportions gardées. Et lui, ne s’était enfilé qu’un mannequin chatouilleux de la viande à crue, pas plus liquoreuse qu’une âme de sangsue. Il restait perplexe, le sexe à l’air, la tendinite encore souillée par l’effort.

Les femmes faciles, il connaissait aussi. D’ailleurs, celle-ci lui faisait l’impression des deux, une fille facilement difficile à l’emploi. Une bourrique étriquée qui manipulait le chibre par ses osseux orifices avec une certaine pression d’exercice. Pas vraiment le temps de jouir avec cette raboteuse de fond. Pressée de se nécroser le citron, elle ne pédalait dans la semoule qu’après s’être essorée elle-même. Du coup, il fallait encore se forcer sans plaisir à lui donner un autre des siens, l’astiquage sur viande chaude.

Jeannine, puisque c’était son nom, lui pratiqua le démembrement décalotté d’une puissante allée et venue avec une dextérité maintes fois usitée. A trop médire de ses infortunes, on finit quelquefois par oublier le point de non-retour, et le plaisir qui monte malgré tout. Cela aurait été moins loquace si en plus elle était restée de marbre… mais son regard de braise et sa bouche entre ouverte ne laissait rien présager de placide. Tirant à sa demeure, son sexe au prépuce de son lyrisme buccal, elle effleurait en rythme avec ses lèvres son allant frénétique… ses yeux dans les siens. Elle avait joui avant lui, aussi rapidement qu’un serpentin de carnaval, mais son autre main pris quand même la direction de son entre jambe.

Elle naviguait en eaux troubles jusqu’au bout des doigts la Jeannine. S’agitant du bout des ongles au long des phalanges… accélérant, décélérant, d’un phallus au con, sans perdre la dimension du braquemart qu’elle suçotait d’un coin de langue. Elle n’avait pas son pareil pour activer le soubresaut préliminaire. D’ailleurs, lui-même, n’ayant pas d’autre activité placée en bourse n’avait pris aucune option sur le dividende à verser… mais d’une courte réflexion sur son action en manque de contrôle, il commença à se laisser envahir. Jeannine limait son dard comme une chienne mange un bout de lard, et se tordait l’hymen comme on viole une bourgeoise. Grégoire, car c’est ainsi qu’il s’appelait, fut pris de spasmes divergents. De jets nonchalants, pendant qu’elle s’envoyait la vulve en enfer, il lui inonda le visage et le fond de la gorge par semonces rapides et franches.

Il reprenait son souffle tandis qu’elle retrouvait haleine. Tous deux affalés sur la moquette marquée par leurs ébats. C’était un fait, elle était si brève dans l’acte que peu d’hommes arrivaient au bout de leur catatonie… mais bordel, ça valait le coup de se dépouiller la limande ! Et en plus… thé et petits gâteaux après le régal étaient faits pour lui donner la main leste au porte-monnaie.

Grégoire se tapait Jeannine régulièrement, tout à fait dans les règles, et pour pas cher en plus… juste de quoi vivre avec elle… de temps en temps.

©Necromongers

[ça repousse]

Il y a cette pile monstrueuse de magazines de mode, de santé, de machin people et autre géographie mondiale. Moi je suis venu pour mes dents.

Je ne sais pas si c’est l’heure ou le jour, mais bizarrement je n’ai jamais vu autant de monde ici. J’ai un peu d’avance, mais je suis pressé d’en finir.

[ça pousse]

Ça sent drôle. Comme du camphre au fluor et des marées d’eau de cologne. Mes voisins et mes voisines le sentent tous. Je me dis que c’est peut-être ça le bonheur, même avec des dents pourries on peut puer bon de la gueule et des aisselles.

De tic-tac en épluchage de pages, et de fond d’oreillettes en glissement de doigts, l’atmosphère s’alourdit dans le calme. Personne ne regarde personne. Comme si on était tous un peu sale. On est là pour la même chose, des trucs louches dans nos bouches, des machins dans le vagin.

[ça pousse]

Je prends une revue au hasard, sans regarder, avec la peur de croiser les yeux de quelqu’un. Merde, Voici. C’est le truc con ces rassemblements chez les regroupements de professionnels. Unir un dentiste et une gynéco, tous vos problèmes de bas en haut. `

Evidemment, c’est la pleine mixité entre les chaises. Ça ne fait pas trop de cas pour savoir qui va voir qui, hormis les filles. C’est sale de partout une fille ? Les hommes sont des porcs, d’accord, ça, on nous le répète assez en ce moment, mais une fille ? J’en sais rien et je m’en fous. On se sent sale d’attendre comme ça. A se regarder faussement, rapidement, sans se questionner du fond de l’œil, sans chercher à se reconnaître, au fond de l’autre.

[ça pousse]

Voici. Quelle merde. Tiens. J’ai 15 minutes d’avance. Tout ce bouillonnement silencieux me donne envie de visiter les WC. En tout bien tout honneur, pétri d’une immense gloire sans gène, et plein d’un courage que peu pourraient qualifier d’arriviste, je me lève promptement sans mot dire, et pars chier avec mon Voici.

[ça pousse]

Problème épineux, c’est occupé. C’est un peu la valse des commodités chez les indignés de la prostate hors de chez eux. Y’a pas d’âge légal pour être en concurrence des intestins ou de la vessie chez les rageux.

Je n’ai vu personne sortir de la pièce depuis mon arrivée. J’en conclus bêtement que c’est une entrée en matière prévisionnelle, ou un caca de force majeur des docteurs.

[ça pousse]

Des enfants font la comédie pour supplanter mon besoin élémentaire. Ma sociabilité primaire fait office d’un constat, qui m’appelle à rediriger mes calculs binaires sur l’éventualité d’un fondement expiateur prioritaire.

[ça pousse]

Je cède ma place et mon Voici. A mille lieux de penser que les minutes tournent elles aussi. Oubliant momentanément mon mal de gencives. Mais je le sens bien, ça piétine derrière. C’est de ma faute. Mon avance c’est du retard que j’ai perdu chez moi.

[ça pousse]

Je suis désoeuvré. Ça rentre et ça sort du cabinet, pendant que moi je bataille avec mon ventre dur et mes gencives de porc. Je fais de la politesse sociale. Si je sens bon de la bouche c’est une erreur de casting, bientôt je vais faire mon coming prout.

[ça pousse]

Et puis soudain, le drame. La porte des deux cabinets s’ouvre, mon nom prononcé à haute voix. Ebranlé par la surprise, je sers dents et fesses. J’hésite. Le désarroi. Je n’ai rien vu passer, ni senti venir, c’est mon tour, mais lequel choisir ?

Voici n’en parlait pas. Même pas un potin sur l’horoscope. Rien que du temps perdu. Mon toubib s’impatiente. Voici passera de main en main, même pas pour les chiottes. Pourtant, les lendemains sont les mêmes pour tout le monde… fait chier.

[ça repousse]

 

©Necromongers

>>{^^Bonjour Mademoiselle^^}<<

̶  Bonjour mademoiselle…

̶  ON DIT MADAME!

̶  Ah pardon, je serais intéressé par votre 06.

̶  MAINTENANT C’EST UN 07!

̶  Ok euh, vous êtes jolie vous savez.

̶  LA BEAUTÉ NE S’ABORDE PAS DANS LA RUE! C’EST SEXISTE!

̶  Et les compliments c’est sexiste?

̶  VOUS ME FAITES DES AVANCES!

̶  Non désolé j’ai pas de monnaie là…

̶  VOUS ME PRENEZ POUR UNE PUTE?

̶  Mais pas du tout j’essaye de lier la conversation.

̶  VOUS VOULEZ ME VIOLER?

̶  Hein? Mais non je vous trouve attirante et je…

̶  SI VOUS ESSAYEZ DE VOUS FROTTER CONTRE MOI JE CRIE!

̶  Mais pas du tout enfin, j’essaye juste de vous parler, et…

̶  C’EST DU HARCÈLEMENT!

̶  Je conviens que la méthode est plutôt naze et un peu beauf mais…

̶  VOUS ESSAYEZ DE ME DRAGUER!

̶  Oui, euh, oui je tente une approche en effet.

̶  VOUS N’AVEZ PAS LE DROIT!

̶  Ah bon? Je ne peux pas parler à qui je veux dans la rue?

̶  C’EST DU HARCÈLEMENT!

̶  Mais vous n’avez que ça à la bouche enfin!

̶  QUOI? VOUS ME FAITES DES AVANCES SALACES?

̶  Je… mais enfin, non! C’était votre phrase là, votre truc que vous répétez…

̶  VOUS ME PRENEZ POUR UNE CRUCHE? VOUS ME DÉNIGREZ PUBLIQUEMENT? MACHISTE!

̶  Vous hurlez tout le temps quand vous parlez à quelqu’un?

̶  C’EST DE LA DÉFENSE ÉLÉMENTAIRE PUBLIQUE.

̶  C’est super intimiste comme méthode, vous êtes seule dans la vie alors ?

̶  C’EST DE L’HUMOUR ?

̶  Non, j’ai abandonné le cynisme depuis qu’on ne peut plus aborder les gens dans la rue.

̶  LÀ C’EST DE L’HUMOUR !

̶  Non c’est du cynisme, mais dans l’ensemble c’est kif kif.

̶  JE COMPRENDS PAS.

̶  C’est bien ma chance tiens, bon je m’excuse, j’arrête de vous importuner, je vous laisse.

̶  JE SUIS PAS ASSEZ BELLE POUR VOUS ?

̶  Faudrait savoir ! Ma petite intrusion vous intéresse ou pas ?

̶  J’AI ÉTÉ À L’ÉCOLE DU FÉMINISME !

̶  J’avais capté le concept. Et ça empêche d’être désirable, de se faire trouver belle ou de se faire aborder?

̶  C’EST UNE HISTOIRE DE RESPECT, DE DISTANCES, D’ÉGALITÉ ET DE BIENVEILLANCE !

̶  Ah. Donc accoster quelqu’un pour lui parler c’est de l’irrespect et de la malveillance ?

̶  VOUS M’AVEZ DEMANDÉ MON 06.

̶  Et je m’en suis excusé ensuite, essayant d’entrer dans la conversation avec plus de tact.

̶  VOUS M’AVEZ IMPORTUNÉ !

̶  Et sinon, même après des excuses, j’ai le droit de penser que votre ton démesurément agressif n’est pas trop bienveillant ? J’allais vous quitter, vous me renchérissez au lieu de me laisser partir, c’est quoi votre problème avec la communication?

̶  J’AI LE DROIT QU’ON ME LAISSE TRANQUILLE !

̶  Oui, je vous l’ai proposé mais vous ne voulez pas, sinon vous m’auriez laissé partir. Je vous plais ?

̶  ÇA N’EST PAS LA QUESTION.

̶  Hein ? Mais si justement ! C’est toute la question de notre conversation. Et vous l’évitez tout en continuant d’accepter qu’on discute en me disant que c’est grossier selon vous.

̶  Vous me trouvez grossière ?

̶  Beaucoup moins… beaucoup moins depuis que vous avez bien voulu communiquer…

̶  Je m’excuse. Je m’excuse d’avoir été désagréable.

̶  Non. C’est moi le vrai con. J’ai usé d’une chose qui fait que nous sommes tous piégés. En vrai, j’ai juste besoin de partager des choses avec des gens.

̶  J’ai envie alors. J’ai envie de partager des choses.

̶  J’en étais sûr. T’as un 07 ?

 

©Necromongers

 

 

 

 

Paris. 2187. PM 14 :15

Marc : L’homme est souvent décevant, mais régulièrement surprenant.

Yann : Et la femme ?

Marc : La femme se bat, elle n’a pas le temps de se négliger.

Yann : Pourquoi, elle se négligeait avant ?

Marc : Elle n’en a jamais eu le temps, mais certaines ont cru bon de nous ressembler pour nous renverser.

Yann : Et… ce n’est pas souhaitable ? Nous ne le méritons pas ?

Marc : Bien sur que si, nous méritons tout ce qui peut nous renverser.

Yann : Mais ?

Marc : Tu crois que les problèmes du monde sont réglés de la sorte ?

Yann : J’ai l’impression que tu ronges ton frein, je me trompe ?

Marc : Tu poses trop de questions. Aide-moi à mettre la table quand tu auras fini la vaisselle, il faut que je passe l’aspirateur.

©Necromongers 2017